Le calme plat [Ouvert à tous]

Parmi les divers commerces ayant la chance de se trouver au sein de Piccadilly Circus, dans le brouhaha d'un après-midi dans le West End de Londres, se trouvait un café Starbucks...Non, non, pas celui-ci. L'autre, juste là. Mais non, pas lui! Celui-là! Vous regardez où je pointe?

Oh, pardon, il y en a une dizaine dans ce même coin, j'avais oublié de le préciser.

Pour vous aider à vous situer, celui dont je vous parle se trouvait sur Glasshouse Street, à l'endroit où se tenait précédemment une pâtisserie nommée "Donuts & Baguettes" (que d'originalité!), pas trop loin des grandes enseignes publicitaires animées et lumineuses.

Ahh, vous vous retrouvez, maintenant? Parfait.

Il faut toutefois préciser que malgré la bonne localisation (en plein "Time Square" londonien!), la succursale, quoi qu’installée depuis déjà quelques années, était laissée dans l'ombre des autres Starbucks des environs, qui en plus de posséder de l'ancienneté, se partageaient la popularité et la grande clientèle et ne laissaient rien à leur "cadet". Il n'y avait donc que peu de visiteurs passant au Starbucks Glasshouse et vu son manque de revenus, les grands patrons ont souvent demandé à le fermer...Cependant le gérant refusait tour à tour de quitter l'endroit malgré toutes les belles propositions de hausse de salaire et de promotion et le café restait grâce à lui. Sauf pour ça, le propriétaire et gérant ne faisait pas grand chose là à part gérer les comptes (plus précisément, il n'était jamais là et il était mauvais en tâches ménagères), alors il laissait la lourde tâche de cuisiner les mets, de faire les cafés (ainsi que ses dérivés multiples), ne nettoyer et de tenir la caisse à son unique employée, qui malgré ses cours à l'université trouvait toujours le temps de venir se tenir derrière ce même comptoir avec un sourire, attendant patiemment que quelqu'un vienne commander quelque chose.

En toute franchise, cette employée que l'on connait sous le nom de Nia adorait y travailler malgré le peu d'activité du commerce: Même près du centre de Piccadilly Circus, l'emplacement était relativement calme et étant laissée à elle-même la plupart du temps, elle pouvait étudier en paix, décorer l'endroit comme elle le voulait ou même ajouter des choses au menu. De cette façon, elle avait arrangé quelques bibliothèques remplies de livres, de magazines et d'autres ouvrages divers, un petit écran pour que les clients puissent écouter la télé, ainsi que d'autres petites commodités dans le but de rendre le café plus chaleureux, et ce à ses frais. La plupart de ses tests culinaires se faisaient aussi dans la cuisine du Starbucks, bien accommodée par l'ancienne pâtisserie qui y était quelques années auparavant.

Alors qu'elle finissait d'ajouter une nouvelle saveur de thé au menu, ce grand tableau noir trônant derrière le comptoir, la jeune femme entendit le tintement de la clochette de l'entrée, signalant l'arrivée d'un client. Elle se retourna avec un sourire, prête à accueillir le personne qui allait entrer.

"Bienvenue chez Starbucks!" lança-t-elle avec joie tandis que la porte s'ouvrit toute grande.

La barista s'étonna de voir non pas un, mais deux hommes pénétrer le café l'un après l'autre: le premier aux airs hirsutes qu'elle n'avait jamais vu auparavant, le second, un de ses clients réguliers plus récents, un jeune homme particulier du nom de Leto. Rayonnante d'énergie, elle leur offrit un large sourire tandis qu'ils s'assirent à leurs places respectives, prenant leurs commandes en mémoire.

*Oh! Peut-être que cet étranger va devenir un régulier lui aussi! Allez, bonnes impressions avant tout! Courage, Nia!*

"Un café mocha avec un tas de pépites de chocolat pour monsieur et un café noir pour Leto! Tout de suite!" répéta la jeune femme gaiement, se mettant à la tâche.

Pendant qu'elle préparait chaque breuvage consciencieusement, elle observa du coin de l'oeil ses deux clients. Le plus grand des deux, avec de longs cheveux blonds (possiblement plus que les siens!) possédait un épais accent Nordique qu'on pouvait sûrement couper au couteau, toutefois il semblait fatigué. Nia ne voulait pas se mêler de ce qui n'était pas de ses affaires, surtout considérant qu'il venait à son café pour la toute première fois. Peut-être avait-il besoin de sa dose de caféine pour se remettre sur pied? S'abstenant d'y penser plus longtemps, elle fut tirée de ses pensées par une question venant de cet inconnu.

"Ah, non, effectivement, je n'ai que peu de clients, mais je fais tout de même de mon mieux," répondit-elle sans perdre son enthousiasme. "Et puis, je trouve que c'est mieux de cette façon, je peux apprendre à connaître les gens que je reçois et ainsi mieux les servir. Si j'avais beaucoup de clients, le service serait bien moins personnel et à force l'ambiance serait étouffante pour tout le monde. Du moins...C'est mon avis personnel."

Le café ayant fini de moudre plus rapidement, l'Inquisitrice en versa dans une tasse qu'elle alla porter immédiatement au régulier qui venait de retirer quelques-unes de ses pelures vestimentaires. Elle s'adressa à lui, déposant le sombre breuvage chaud sur la table en face de lui.

"Voilà pour toi, Leto, un café noir tout frais! Voudrais-tu quelque chose à manger avec ça? J'ai terminé de préparer des biscuits aux pépites de chocolat il y a une dizaine de minutes, si tu as envie de les essayer."

Avec un sourire presque perpétuel elle retourna derrière le comptoir pour terminer le mocha, saupoudrant celui-ci d'une large poignée de pépites de chocolat comme son autre invité le lui avait demandé avant de lui apporter.

"Vous aussi, monsieur, si vous avez envie de quoi que ce soit d'autre, n'hésitez pas à me faire signe. J'ai quelques petites choses de préparées, vous n'avez qu'à regarder au menu."

"Euh...Pardon?"

La barista n'avait pas prévu une telle réponse venant de l'inconnu. Il ne semblait pas connaître personnellement Leto, cependant il agissait de façon très hostile envers lui; même s'il n'avait pas encore tenté de l'attaquer, ça ne pouvait être qu'une question de temps...

"Um, excusez-moi, monsieur, mais nous sommes à court de coups de pied au cul pour la semaine." répliqua-t-elle, un peu nerveuse. "Mais il y a autre chose au menu, alors vous pouvez commander ce que vous voulez...à part des claques sur la gueule, des coups de poing dans le ventre et tous autres actes de violence, on est en rupture de stock à ce niveau..."

Elle se fit alors interpeller par Leto qui accepta son offre de biscuits et qui demanda d'un ton qui se voulait légèrement moqueur d'en donner à l'autre client aussi comme "cadeau de bienvenue", sur sa note. Incertaine quant à la réaction que cette assiette de biscuits allait amener, elle obéit, allant préparer les plateaux et les apportant à chacun des deux hommes.

"Voilà voilà, de bons biscuits aux pépites de chocolat, tous frais du four. J'espère qu'ils vont être à votre goût à tous les deux!" leur dit-elle en souriant, tentant d'alléger l'atmosphère qui se faisait de plus en plus tendue dans le petit café. "Um...Autre chose?"

Nia observa ses deux clients, tentant de comprendre cette animosité entre eux. Ce n'était pas quelque chose qu'elle voyait souvent venant de deux inconnus. Était-ce l'équivalent contraire du "coup de foudre"? Ou y avait-il quelque chose d'autre? Rarement avait-elle vu des gens se détester du premier regard, du moins, chez les humains...À moins que...

"Ah, de rien, Leto. Ça me fait plaisir!"

Pour Nia, il n'était pas si difficile de garder son attitude impartiale face à la situation. Toutefois, un de ses clients venait de faire des menaces de morts à un autre, sans compter qu'elle avait un très mauvais pressentiment quant aux origines des deux hommes. Cette animosité presque instantanée l'un envers l'autre était une chose commune lorsque les êtres non-humains -loups-garou et vampires, il en va de soi- se croisaient. Cependant, l'Inquisitrice ne voulait pas sauter aux conclusions: elle ne pouvait pas savoir si ses craintes étaient justifiées à moins d'avoir une preuve plus concrète et pour le moment, cette preuve était hors de vue.

*Tout de même...Tout pointe dans cette direction, non?* songea-t-elle, les observant avec une légère nervosité. *Je veux dire...Quand j'y pense, la manière dont Leto est si souvent habillé, il se cache clairement du soleil...Soit c'est un vampire, soit il a une maladie de peau...Dans ce cas-là, quelle raison aurait l'autre de s'attaquer verbalement à lui en partant? Et Leto qui s'est clairement moqué de lui tout à l'heure...*

Ses soupçons se bousculant dans sa tête, la jeune femme récupéra l'assiette de biscuits de Leto, qui s'était si rapidement vidée qu'elle en pouffa un peu de rire, restant tout de même naturelle.

"Est-ce que tu en voudrais d'autres?" lui demanda-t-elle, ne se préoccupant pas trop de l'autre client pour l'instant.

*Je suis presque certaine que s'il y avait moins de fenêtres et que j'étais partie, il y aurait eu un bain de sang à mon retour...*

Attendant la réponse de Leto, elle se remémora de l'emplacement de son kit de secours: sous une dalle du plancher à moitié sous le comptoir étaient placés un Desert Eagle avec des munitions à pointe d'argent ainsi une dague munie d'une lampe UV, en plus de quelques bombes fumigènes et flash-bang. La barista ne voulait pas avoir à s'en servir, considérant la forte possibilité de témoins oculaires (et potentielles victimes si ça tournait très mal) se promenant dans la rue en face du café, de plus rien ne s'était encore passé pour provoquer une bataille. Elle ne pouvait qu'être patiente et sourire.

"Et vous monsieur? ...Est-ce que ça va?"