Une journée routinière [PV Mary]

Il était déjà l'après-midi, et le temps était toujours bien mauvais. Le ciel était rempli de nuages noirs, et le tonnerre grondait en symbiose avec la pluie qui tombait sans interruption. Une température typiquement londonienne, et malheureusement pas très lucrative pour Reverse/Cross, dont l'enseigne rouge, blanche et violette brillait dans l'obscurité de l'orage. Après tout, même le plus gothique des gothiques n'allait pas se risquer à sortir un soir d'orage, peu importe ce que l'on pouvait raconter chez les non-initiés.

Résultat: Rose s'emmerdait un brin.

Bien qu'elle soit propriétaire, elle insistait pour être présente une fois de temps en temps sur le plancher, question d'avoir quelque chose à faire. Mais elle avait très peu à faire malheureusement, et se contentait donc de travailler sur de nouveaux vêtements au fond du magasin. Plus précisément, une robe longue ornée de dentelle, dans le plus pur style lolita. Pas un style que Rose affectionnait particulièrement, préférant les looks plus agressifs, mais certains clients aimaient, donc, bon, il fallait bien.

Quant aux employés - trois femmes et un homme - ils étaient sur le plancher en train de faire leur besogne - ou, du moins, le peu qu'ils avaient. Certains discutaient entre eux en replaçant des trucs sur les tablettes, une autre comptait les caisses. Ils restaient toutefois bien alertes. Non pas parce qu'ils recherchaient des clients, mais bien parce qu'ils surveillaient leur territoire. Car Reverse/Cross, plus qu'un magasin, était l'intermédiaire entre le monde des hommes, et le quartier général des loups-garous.

Maryweather aimait les jours comme ceux-là. Sombres, pluvieux, sans soleil. Le temps parfait pour quelqu’un comme elle. Comment ne pas aimer pouvoir sortir sans se cacher des rayons mortels d’un astre millénaire? Que demander de plus? Ah oui! Pouvoir sortir pour la chasse. Mais il était trop tôt et c’était Mary qui contrôlait sa conscience, pour l’heure.

Armée de son seul parapluie blanc, sa robe de la même couleur collée à son corps par l’averse, rendue presque transparente par la même occasion, elle marchait nonchalamment, sans s’inquiéter de quoi que ce soit. Elle aimait bien les jours pluvieux, mais elle préférait les jours de neige. Rares là où elle vivait, elle devait se contenter de ces grosses pluies drues et glaciales. Les gouttes affrontaient sa peau avec défi, mettant à rude épreuve son système mort pour lui fournir une température corporelle potable. Mary respirait presque et son corps affrontait presque le froid. Pourquoi? Parce qu’elle ignorait qu’elle ne ressentirait plus jamais le besoin de respirer, de manger, de se réchauffer.

À un moment, elle remarqua une enseigne lumineuse intéressante et se tourna vers la vitrine. Il était rare qu’elle entre dans les boutiques. Elle n’aimait pas magasiner, encore moins acheter. Seulement, certains magasins avaient le chic pour l’attirer. Et dans cette vitrine, il y avait de quoi l’attirer à l’intérieur. En plus, il y ferait plus chaud et sec.

Donc, elle entra.

C’était comme tomber dans le terrier du lapin. Des présentoirs vitrés où régnaient en maîtres des bijoux gothiques, une armoire pleine de chapeaux, des robes à ne plus les compter. Elle s’approcha d’un mannequin qui portait une robe de type lolita noire dont la jupe était couverte de coutures imitant le sang coulant du bustier. Elle l’admira un bon moment, inspirée.

Maryweather luttait devant une robe pareille. Elle la voulait. Elle la voulait pour chasser, ce soir, tous les soirs. Dès maintenant, elle ne porterait plus rien d’autre pour sortir le soir, cette robe et son chaperon rouge. Elle devait avoir cette robe.

Ça se mettait à puer, tout à coup.

Rose eut un frisson. Elle reconnaîtrait cette odeur dans une foule. Cette odeur de viande putride, cette odeur de décomposition... Ça sentait le mort dans Reverse/Cross. Et cette odeur venait, pire encore, d'une petite fille. Rouquine aux cheveux courts, vêtue d'une robe blanche, elle semblait avoir treize ans tout au plus.

Elle se sentait nerveuse. Rose appela une vendeuse pour qu'elle puisse la remplacer pendant un moment, et alla vers la salle des employés pendant un moment. Bien rapidement, elle se prit une cigarette - normalement non permis en magasin, mais bon, les employés ne s'en souciaient guère, connaissant bien l'Alpha. La fumée était le reflet de sa Était-elle un informateur pour les Vermillion? Elle espérait que non, bien sûr! Pourtant, elle agissait comme une cliente ordinaire, fouinant un peu, s'immobilisant devant une robe de style lolita, la regardant avidement avec cette air de petite fille qui veut son jouet tout de suite. Elle

*Calme-toi Rose. Calme-toi. Il ne vaut mieux pas qu'elle sente ta nervosité, ça serait idiot de briser ta couverture en agissant comme ca.*

Elle déposa sa cigarette dans le cendrier au milieu de la table et ressortit de la salle des employés. Elle se dirigea aussitôt vers la vampire en mettant son masque de vendeuse: sérieux, souriante et non incommodée par l'odeur.

"Cherchez-vous quelque chose, mademoiselle?"

Reste polie, Rose. Reste calme. Puis tu es calme, plus ta rage est canalisée, moins elle voudra t'attaquer.

Mary se retourna lentement. En voyant la vendeuse, elle sourit à pleine dents, toutes blanches. Inconsciente, simple. Ignorant la réalité de sa nature.

Maryweather se tut complètement et observa en spectatrice. Mary savait vouloir acheter la robe, c’était tout ce qu’elle devait savoir. Rien de plus. Maryweather ne permettrait pas à la situation de se gâter. Elle reconnaissait cette vendeuse comme une louve, une bête. Sans jugement. Sans peur. C’était le loup. Elle ne tomberait pas dans le piège, pas cette fois. Elle avait peut-être été attirée dans le repère de la bête, déguisée en humaine pour adoucir sa méfiance, elle ne se laisserait pas prendre.

Mary ignorait tout des divagations de Maryweather et répondit sans gêne aucune.

- Cette robe est superbe. Je suis certaine qu’une de mes amies l’adorerait. Combien coûte-t-elle?

Et elle attendit simplement une réponse, calmement. Elle ressentait faiblement la haine qu’éprouvait la vendeuse, la haine ou la crainte. Mais qui éprouverait des sentiments pareils envers elle? Elle n’était qu’une étudiante, banale et un peu solitaire. Elle secoua la tête, chassant loin d’elle cet étrange malaise, cette impression de rejet.

Un grand sourire aux dents blanches. Elle voulait la robe. C'était tout.

Rien de sorcier. Malgré l'odeur nauséabonde qu'elle dégageait, malgré tout cela, elle ne voulait pas de carnage dans son magasin. Une panique, et la couverture de Reverse/Cross risquait d'être reconnue. Et puis, cette petite fille avait beau être vampire, elle ne semblait pas la reconnaître. Elle n'était donc pas affiliée aux Vermillion d'une façon ou d'une autre. Bien qu'elle demeurait vampire.

Rose hésitait. Une part d'elle, sa raison humaine, lui sommait de ne pas provoquer de problèmes inutiles et d'attirer l'attention, surtout avec la situation un peu précaire de sa meute. L'autre part, son instinct de louve, ne voulait que se débarrasser de cette odeur infecte, de cet intrus sur son propre territoire.

Sa raison humaine prit le dessus: un Alpha ne devait pas se laisser dominer par les émotions, non, jamais. Par contre, elle allait devoir supporter, en forme humaine, sans cigarette, la présence de cette morte-vivante pendant aux moins plusieurs minutes. Génial.

Rose mit son masque de vendeuse. Un léger sourire, rien de moins.

"Tu tombes bien. Cette robe est à 50% de rabais: elle ne coute que 35 livres en ce moment."

Elle voulait juste qu'elle se pousse avec la robe. Rapidement.

((HJ - 35 livres est à peu près égal a 57$ US. ))

[Elles sont vraiment peu chères tes robes!!! Ici, j'en ai pas vu souvent en bas de 100$. Désolée pour l'attente.]

35 livres, une aubaine!

- Je la prends. Mais tant qu'à ce qu'il pleuve et que je sois déjà ici, je vais aussi regarder pour moi-même.

Ce qu'elle ne mentionnait pas, c'est qu'un "bonus" de 1500 livres venait d'entrer dans son compte de banque. C'était le paiement qu'on lui avait promis quand on l'avait approchée pour une essai de traitement médical un mois plus tôt. La compagnie venait de lui faire parvenir son argent. Pour une nuit de confusion due à ce dit-médicament et dont elle ne se souvenait plus du tout, elle empochait une bonne somme, alors elle ne se faisait pas prier. Elle allait pouvoir se gâter un peu.

Elle se mit donc à sillonner les rayons, admirant les différents modèles tous plus attirants les une que les autres. La mode gothic-lolita l'attirait tout particulièrement, si mignonne et adaptée à sa propre apparence jeune et enfantine. Le problème résidait dans les couleurs. La palette du magasin se constituait de noir, de rouge et de violet. Sa propre garde-robe était remplie de blanc.

Elle finit par se décider sur trois modèles qu'elle aimait davantage que les autres et retourna voir la vendeuse.

- Je me demandait... Les vêtements sont faits ici ou ils sont importés. C'est que j'adore ces modèles, mais je préférerais des couleurs plus douces. Pensez-vous que ce serait possible de m'en faire faire sur mesure?

En disant cela, elle lui montrait dans les rayons les trois robes qui l'intéressaient. Au final, le compte des prix ne dépassait pas le tiers de son "bonus", donc elle ne dépassait pas son budget. Peut-être pourrait-elle même se permettre une ou deux paires de chaussures.