Notting Hill, appartement 307

En le touchant de l'épaule de Benjamin, elle eut l'impression que quelque chose clochait avec son état comateux. Il semblait faire un cauchemar. Ses yeux bougeaient très rapidement sous ses paupières; Ses mains se crispaient et se détractaient. Ses ongles devenaient des griffes et sa pilosité s'accroissait. *Nous sommes pourtant loin de la pleine lune... C'est vraiment étrange que son côté lycanthrope sorte de cette façon... Peut-être... Peut-être est-ce le résultat d'un lycan qui réprime depuis plusieurs temps ses gènes de loup... Il serait donc arrivé au point de se transformer partiellement lorsque son subconscient prend le dessus...*

Après son constat rapide, elle sentit instinctivement qu'un danger approchait, et qu'il venait du gamin devant elle. Sans plus attendre, elle prit une poigne de son autre main et lui maîtrisa les deux épaules. Elle avait agi juste à temps. Il se jeta vers son visage, la mâchoire bien ouverte, prête à la saigner à blanc. Les yeux d'Abigaheyl durent prendre une teinte dorée par l'utilisation de sa force lycanthrope. Elle avait maintenant son regard fixé au sien. Le regard de Benjamin semblait perdu et déconcerté. Elle fut une fraction de seconde hypnotisé par son regard qu'elle découvrait enfin sans sa capuche. Elle démontra à peine des signes de faiblesses venant de sa blessure à l'épaule qui s'ouvrit sur le choc. Elle sentit le loup en elle se réveiller sous la douleur et grogna.

Elle tenta de se calmer pour ne pas en faire trop, mais ne put s'empêcher de lui sauter dessus dans le sens de le caler dans le sofa pour lui faire savoir qui était le plus fort.

*Il ose me faire saigner ce gueux! Espèce d'effronté...
Non, je dois... me calmer... ARGH!*

L'odeur de son propre sang lui monta à la tête et elle crut entrer ses griffes dans les épaules du jeune homme. Elle prit de longues respirations toujours en le fixant des yeux. Puis, elle sentit sa rage naissante mourir dans l'oeuf. Son regard redevint vairons et ses griffes en ongles normaux. Voyant que Benjamin s'était calmé aussi, elle relâcha sa prise et se prit l'épaule pour aider à arrêter le sang de couler.

La pièce était baigné d'un silence palpable. Le couvert de la nuit donnait l'impression de n'accepter aucune complainte. La température ambiante était légèrement humide avec un froid qui saisissait jusqu'aux os. L'air de l'appartement devenait un peu plus respirable sans toutefois être plaisante. Abigaheyl pensa à une mélange de plantes qui aiderait peut-être à faire disparaître cette odeur nauséabonde. Toujours en laissant son esprit erré, elle ne détacha pas son regard de Benjamin au cas où sa crise n'était pas passée. Elle va devoir lui apprendre à accepter ce côté de lui au plus vite avant qu'il ne l'attaque durant son sommeil. Ou encore pire, s'il venait à tuer un humain sans qu'il n'en est conscience, il pourrait aggraver son cas et peut-être même mettre fin à sa vie dans un extrême possible. La population lycanthrope était déjà dans un déclin sans laisser de jeunes loups périr par inexpérience.

La situation avait brusquement tourné dès l'éveil de Benjamin : déjà partiellement maîtrisé par Abigaheyl, il se retrouva à moitié étouffé dans le sofa lorsque celle-ci l'empoigna, avec encore plus de force qu'au moment où elle l'avait stoppé dans son élan, pour l'écraser sans ménagement dans les coussins. Maintenant à sa merci, l'adolescent prit violemment conscience de la présence du loup dans tout son corps, qui luttait instinctivement contre la grande rousse dont les yeux luisaient d'une lueur dorée qu'il ne leur avait jamais vu. Horrifié, le jeune homme commença à lutter de toutes ses forces pour refouler son côté bestial, qui finit par obtempérer, vaincu par l'effort combiné des deux lycanthropes. Abigaheyl lui avait clairement fait sentir qu'elle dominait et, si l'humain n'avait pas vraiment compris le message, il savait néanmoins qu'il avait intérêt à se calmer au plus vite s'il voulait que les ongles (vachement pointus) de l'Alpha ne laissent que des marques superficielles dans son épaule.

Soudain, de la même façon qu'on expire après une crise, l'agitation retomba. La température ambiante avait chuté pendant l'altercation, et la fraîcheur londonienne envahissait la pièce tandis qu'un malaise faisait son chemin entre les antagonistes. Benjamin tremblait comme s'il était en proie à une montée de fièvre, et lorsque la prise d'Abigaheyl se relâcha, il se rassit prestement pour lui faire une place... une grande place. Le capuchon rabattu dans le dos, légèrement voûté, il resta là, indécis comme un gamin pris en faute, la regardant du coin de l'oeil, l'air soumis à cause de la honte qui le rongeait. Il avait perdu le contrôle. Il avait essayé d'attaquer Abigaheyl. Il avait agi comme un animal enragé. La blessure de l'Irlandaise semblait saigner, et cela lui fit plus mal que ses propres égratignures.

«Je m'excuse, dit-il, je... j'ai pas fait exprès.»

Pathétique.

Une douleur sourde pulsait dans sa poitrine à chaque battement de coeur : le remords. Il enfouit son visage dans ses mains avec un soupir étranglé et des mèches de jais créèrent un rideau charbonneux sur ses doigts. Qu'aurait-il donné pour apparaître sous un autre jour aux yeux de la louve dominante. Il aurait voulu paraître confiant, maître de lui, et, après cette échauffourée, pouvoir éclater de rire en lançant «Est-ce que je t'ai fait peur?» Mais c'était impossible, parce qu'en ce moment, c'était lui qui était terrifié. Par sa propre lycanthropie. Il fallait qu'il dorme. Mais est-ce qu'Abigaheyl allait encore l'accepter après une telle démonstration?

Toujours en l'observant, elle remarqua l'air soumis qu'il dégageait en lui faisant une énorme place sur le fauteuil. S'il avait pu, il aurait probablement entré en dessous des coussins, tellement il avait l'air de vouloir disparaître devant ses yeux. Elle avait l'impression d'être la mère qui venait de punir son petit garçon. Alors qu'elle se concentrait sur sa blessure pour qu'elle arrête de saigner, elle l'entendit soupirer comme si la terre allait exploser et qu'il n'y avait rien à y faire. La tourmente qu'il vivait était totalement inconnue d'Abigaheyl. Elle avait toujours accepté son côté lycan contrairement à lui. À vrai dire, ce n'était même pas une question d'acceptation. C'était comme la couleur de ses cheveux pour elle. Se voulant rassurante, elle porta une main sur le front de Benjamin en lui dégageant des mèches qui lui barraient le visage. Il était bouillant de fièvre. La fatigue de la journée venait à bout de lui. C'est alors qu'elle lui prit un poignet d'une des mains qui lui cachaient le visage pour l'amener à sa chambre.

- Benjamin, je ne t'en veux pas pour ce qu'il vient de se passer. Cette blessure s'est réouverte, mais c'est des choses qui arrivent. Par contre, je ne peux pas te laisser dormir sur le divan. Imagine si mon colocataire te voit en arrivant sans que je lui ai donné d'explications. Pour ce soir, tu dormiras dans ma chambre. Je vais te donner mes couvertures, de toute façon, j'en ai guère besoin. Allez, viens, le sommeil te fera du bien.

Elle avait hâte de pouvoir le laisser s'endormir. Comme cela, elle pourrait vaquer à concocter quelques mixtures pour son problème d'épaule, mais aussi pour l'odeur persistante. Si elle se rappelait bien, il devait lui rester quelques plantes médicinales pour la cicatrisation. Et avec certaines huiles essentielles, elle devrait venir à bout de la senteur pestilentielle.

Tout en se planifiant la prochaine demie-heure, elle observait l'air apeuré de Benjamin. Il allait lui falloir agir vite avant que son appel arrive. S'il n'acceptait pas son côté loup-garou, il risquerait de devenir comme ce qui est relaté dans les légendes, c'est-à-dire qu'en rejetant sa véritable nature, il laisserait place à son inconscient lors des transformations et deviendrait incontrôlable. Juste parce qu'il ne voulait pas accepter la vérité en face... Cet adolescent allait bientôt devenir un homme et s'il ne voulait pas regretter plus tard, il allait devoir ne faire qu'un avec son antagoniste.

- Tu sais... Ce qui vient de se passer est dû essentiellement à ton refus d'être ce que tu es réellement. Me trouves-tu aussi menaçante que dans les histoires que tu dois avoir lues?

Elle lui posa la question en l'attirant dans son sillage alors qu'elle se dirigeait vers sa chambre. Elle ne désirait pas nécessairement recevoir un oui comme réponse, car, malgré son côté alpha, elle préférait être perçue plus de manière autoritaire et avec respect plutôt que menaçante en imposant le respect par la peur.

Benjamin senti la main d'Abigaheyl saisir la sienne avec douceur et il se laissa docilement entraîner vers le couloir tandis que l'Irlandaise s'adressait à lui sans animosité :

- Benjamin, je ne t'en veux pas pour ce qu'il vient de se passer. Cette blessure s'est réouverte, mais ce sont des choses qui arrivent. Par contre, je ne peux pas te laisser dormir sur le divan. Imagine si mon colocataire te voit en arrivant sans que je lui ai donné d'explications. Pour ce soir, tu dormiras dans ma chambre. Je vais te donner mes couvertures, de toute façon, j'en ai guère besoin. Allez, viens, le sommeil te fera du bien.

Il était bien d'accord avec elle et n'aspirait plus qu'à cela : dormir et mettre cette histoire de fou sur «pause». Toujours aussi léthargique, il remarqua tout de même les regards calculateurs que lui jetait furtivement la jeune femme. À quoi pouvait-elle penser en ce moment? La simple perspective d'une quelconque réflexion donna presque le tournis au jeune homme, qui abandonna ses hypothèses avant même de les avoir ébauchées. Perdu dans ses pensées brumeuses, il prit quelques secondes à réaliser qu'Abigaheyl avait repris la parole :

- Tu sais... Ce qui vient de se passer est dû essentiellement à ton refus d'être ce que tu es réellement. Me trouves-tu aussi menaçante que dans les histoires que tu dois avoir lues?

Benjamin se sentit dangeureusement osciller et s'appuya au chambranle de la porte, laissant la question faire son petit bonhomme de chemin jusqu'à son cerveau. Lorsque ce dernier eut reçu l'information, les paupières du lycan recommencèrent à se fermer paresseusement et il sourit à son guide qui s'arrêta finalement au milieu de la chambre.

-Non. Non, tu... vous... tu n'es pas du tout comme les garous décrits au Moyen-Âge, ou dans les films d'horreur.

Il n'en pouvait plus de la vouvoyer. Peut-être était-elle plus âgée que lui, mais sûrement pas de beaucoup. La fatigue l'empêcha de se demander si cela pouvait être mal perçu par la louve rousse et il continua, les yeux clos :

-En ce qui me concerne, tu es même plus compatissante que beaucoup d'humains. Tu ne me connaissais pas et tu m'as abordé, averti, répondu à mes questions, offert de l'aide et un logement... plus personne ne fait cela de nos jours. Et même après que j'aie essayé de t'attaquer, tu ne m'as pas mis dehors. Pour tout ça, la moindre des choses est que je te remercie. Sincèrement.

Tout en parlant, il entreprit de retirer la couette du lit qu'il plia sur le sol pour créer une sorte de matelas. Sa vision se brouillait mais il ne voulait pas couper le flot de mots qui s'échappait de ses lèvres : le son monotone qu'il produisait l'apaisait.

-Tu est clairement plus forte que moi, donc tu devrais être en mesure de maîtriser la situation si jamais je dérapais. Et puis, il y a sûrement moins de chose qui t'échappent, dans c'te fouillis...

Maintenant étendu en chien de fusil par terre, il marmonnait de plus en plus dans l'épaisseur de la couverture, vaincu par un dernier assaut du marchand de sable qui le fit terminer en français :

-Y'a p't-être de quoi à faire avec moi... ch'uis quand même pas une bête.

Un temps passa. Une odeur suave s'introduisit dans la chambre, jusqu'au nez de l'endormi qui remua. Son altercation avec l'Alpha lui avait fait oublier combien l'air ambiant était nauséabond... fallait quand même le faire!

Voyant qu'il s'exécutait de manière automatique, elle le regarda faire en restant dans le cadrage de la porte de sa chambre. Il répondait à la fois à son interrogation et prenait par lui-même les couvertures du lit pour les mettre sur le sol. Le voir aller, comme hypnotisé par la fatigue était assez touchant. Le sourire aux lèvres, elle constata qu'il s'était déjà endormi après quelques secondes couché sur la literie. Rassurée qu'il est retrouvé son calme, elle prit son sac d'herbes et se dirigea vers la cuisine en refermant la porte de la chambre derrière elle.

Abigaheyl déposa son sac sur le comptoir et entreprit de trouver un mortier. En ouvrant l'armoire au dessus du grille-pain, elle y trouva la bouilloire. Elle la prit et trouva le mortier près du mélangeur électrique. Quelques secondes lui suffirent pour mettre de l'eau à bouillir et moudre quelques herbes pour en faire une substance semi-liquide pour l'appliquer sur son épaule. Une fois l'onguent terminé, elle prit un poêlon et fit chauffer un peu de cannelle et de noix de muscades pour en faire libérer leur arôme dans l'appartement. Pour aider à la propagation, elle se promena à travers le salon et l'entrée avec son poêlon brûlant en faisant du vent avec la main pour pousser l'odeur. Elle entendit son eau bouillir et revint à la cuisine en déposant sa poêle sur le four. L'eau versée dans une tasse, elle y infusa quelques herbes pour calmer ses nerfs ainsi que son odorat. Lorsque l'infusion fut terminée, elle y retira les herbes et prit la tasse ainsi que le mortier et s'installa dans le salon. Elle enleva son chandail noir et défie son bandage.

La plaie s'était ouverte, mais rien de très alarmant. En fait, elle recommençait déjà à se refermer, mais pour être sûre du résultat, elle appliqua son onguent et refit un bandage en prenant le nécessaire dans son sac, non loin de là. Se sentant plus à l'aise sans son pull-over, elle resta ainsi, en soutien-gorge et pantalon, assise sur le canapé, pour déguster son infusion. Alors qu'elle sirotait paisiblement sa tasse de thé, elle vit les premières lueurs du soleil se pointer à l'horizon. Elle se sentit bien et paisible avec le petit vent frisquet qui pénétrait l'appartement par les fenêtres qu'elle avait entrouvertes un peu plus tôt. Prise d'un envi sauvage, elle se jura d'aller couverte dans un parc demain soir pour libérer un peu la bête qui sommeillait en elle. L'aventure d'hier soir et ce soir l'avait stimulé un peu trop, et de l’exercice lui ferait le plus grand bien.

Elle finit sa tasse et la déposa dans l'évier. Prenant sa sacoche et son chandail, elle s'en alla dans sa chambre et contourna l'adolescent facilement. Il était endormi sur le dos, la bouche grand ouverte. L'image la fit sourire et elle s'étendit sur son lit après avoir laisser ses choses dans un coin de la pièce. Tout à coup, elle sentit sa fatigue la prendre d'assaut et elle s'endormit après quelques minutes, d'un sommeil réparateur.

Le son d'arriver de l’ascenseur mît en alerte l'homme qui le détenait emprisonner. Le bras encore dans le plâtre, le docteur était forcé de dormir dans son bureau pour la nuit. L'étrange rencontre avec Jenny, la mort du loup-garou dans le cimetière et la rencontre du nouveau Inquisiteur l'avait épuiser. En sortant de l'ascenseur, il vérifia l'heure sur son cellulaire; 9:24am. Il calcula rapidement et il conclut qu'il n'a dormi que huit heures. Une bonne moyenne, il se disait. Avant d'entrée, il vérifia s'il ne portait pas les mêmes morceaux de vêtements qu'hier soir. Le sang du loup-garou avait giclé sur tout son habit et la point de son soulier n'était plus en condition de le montrer en publique. Une douche et un changement vestimentaire dans les catacombes lui donnait l'impression qu'il était de nouveau redevenu normal.

Il inséra la clé de son appartement dans la serrure et tourna pour déverrouiller la porte.

-J'espère qu'Abigaheyl ne me posera pas trop de questions, se disait-il en ouvrant la porte.

Il ferma la porte derrière lui, enlève ses chaussures et accroche son manteau. Il ne dît rien. Il marcha vers la cuisine et vérifie les alentours. Il y avait une bonne odeur d'herbe dans les airs, sûrement la même sorte d'herbe qu'Abigaheyl lui avait servit hier. Il trouva avec coïncidence une tasse dans le levier et il leva les épaules. Elle s'était servît, c'était pas un problème même si s'était nouveau pour lui. Il ouvrît le frigo et sortît une pomme, question de rafraîchir son haleine de fumeur et matinale. Il mordit et mangea la première bouchée. Il entendît une porte s'ouvrir, il prît une chance.

-Bon matin, Abigaheyl. T'as tu bien...

Sa voix se décroisa quand il vit la personne sortir de la chambre et, sans le vouloir, la pomme tomba de sa main.

Les yeux bleu acier s'entr'ouvrir difficilement dans la lumière jaune du soleil qui semblait promettre une radieuse journée d'automne. Ce dernier détail importait peu au jeune homme engourdi, plus désireux de rassembler ses souvenirs que d'entendre la voix trop enjouée d'un présentateur météo lui commenter la température de Manchester. Le garou avait l'impression d'avoir dormi plusieurs mois et les événements de la veille lui revenaient par bribes, mais au lieu de le dépasser une fois de plus, les révélations du soir précédent vinrent docilement prendre place dans sa mémoire et s'intégrer à ce qui serait maintenant sa nouvelle réalité, un monde totalement différent!...

Quoique...

Chez la plupart des gens, la routine matinale commence toujours par une visite aux toilettes et tout loup-garou qu'il était, Benjamin ne faisait pas exception à cette règle. Frais comme un légume mariné, il entreprit de se lever le plus doucement possible, ne désirant pas troubler le silence qui régnait dans la chambre. Pas coopératif du tout, le reste de son corps se délia au fur et à mesure avec force claquements d'articulations qui pétillèrent dans l'air, arrachant un soupir agacé au jeune lycan. Tout à coup, celui-ci crut percevoir à travers ce tonnerre cartilagineux une note légèrement différente, comme un craquement chuintant qui le fit s'immobiliser quelques secondes, à l'écoute.

Calme plat.

Décidément, dormir sur le sol ne lui réussissait pas! Il se remit en marche. Réveil oblige, les cheveux de jais de l'adolescent broussaillaient encore plus que de coutume, obscurcissant partiellement sa vision, mais il réussit tout de même à atteindre la porte sans trop de mal. Une fois arrivé à destination, il s'arrêta de nouveau, la main sur la poignée, pour jeter un regard à la silhouette galbée d'Abigaheyl étendue derrière lui : elle était bien moins intimidante ainsi endormie. Mais Morphée la tenait-il vraiment sous son emprise? Sa respiration profonde et régulière semblait l'attester.

Le jeune homme finit par sortir de la pièce, le pas tranquille et l'esprit embrumé jusqu'à ce qu'une voix inconnue ne s'élève, lui éclaircissant brutalement les idées :

- Bon matin, Abigaheyl. As-tu bien...

Le reste se perdit dans le néant.

Oups! Le colocataire.

Un bruit sourd attira momentanément l'attention du lycanthrope vers le sol : dans sa stupeur, le nouvel arrivant avait laissé tomber la pomme qu'il était en train de manger. Voilà donc d'où provenait le craquement incongru! Le regard bleu de Benjamin revint ensuite se braquer dans les iris marron de son vis-à-vis. Que devait-il faire? Bien décidé à se reprendre en main, il brida ses nerfs et analysa la situation du mieux qu'il put :

«Ok mon vieux. Tu ne connais pas ce gars-là et c'est totalement réciproque. Le détail, c'est que toi, tu savais qu'il débarquerait à un moment ou à un autre, alors que lui, non. À ses yeux, je suis donc un étranger complet, voir un voleur. Et Abigaheyl qui ne peut pas faire les présentations. Ça commence bien.» pensa-t-il d'un air sombre.

En cas d'urgence, aller à l'essentiel.

L'adolescent rejoignit l'inconnu en deux enjambées, emprisonna une main entre les siennes et la secoua fortement, peut-être même un peu trop vu sa nervosité. Cela ne l'empêcha pas de prendre rapidement la parole en s'appliquant à dire la plus pure vérité. Ainsi, il ne risquait pas de faire mauvaise impression et ça limiterait la conversation :

«Bon matin monsieur, moi c'est Benjamin Meunier je suis... euh... avec Abigaheyl et si vous voulez bien m'excuser, j'emprunterais votre salle de bain.»

Aussitôt dit aussitôt fait, il dépassa l'homme en coup de vent et ferma la porte derrière lui en essayant de ne pas la faire claquer. Le loquet, par contre, fit clairement entendre son déclic lorsque le loup-garou verrouilla la porte, où il s'adossa pour inspirer un grand coup : si l'autre lui demandait de sortir, il était cuit!

«Bon matin monsieur, moi c'est Benjamin Meunier je
suis... euh... avec Abigaheyl et si vous voulez bien m'excuser,
j'emprunterais votre salle de bain.»

C'était la seule phrase unie et complète du jeune étranger qui bouscula la pensée du docteur. Le jeune homme lui avait déjà fait un salut et très vite dît ``au revoir´´ pour aller dans sa salle de bain. Le docteur était ébranlé et surtout confus. Pourquoi il y avait un adolescent dans la chambre d'Abigaheyl, est-ce qu'elle préférait partager son intimité avec... un plus jeune qu'elle? Le docteur poussa ce scénario de côté. Non. La plus grande question est pourquoi il y avait un inconnu dans son appartement, point. Leminer ne connaissait pas assez Abigaheyl pour la traité comme une connaissance, mais elle était encore et globalement une certaine inconnue. Par contre, le garçon en était un entièrement.

-Christ-Lloyd, avant de faire quoi que se soit, réfléchit. Il n'a pas essaye de te faire mal et il est amical, pour le moment. Considère-le comme un patient qui rentre dans ta cabine sans rendez-vous. Il doit y avoir une urgence pour qui soit ici. De plus, s'il sait où est ta toilette, c'est qu'il était là depuis un petit bout. Essaye de comprendre pourquoi il est ici, avant de faire quoi que se soit qui va te faire regretter.

Dans ce temps de pensée, il s'accroupit et prend la pomme qui est tombée. Il souffla un peu dessus et croqua une autre bouchée. Quand il décida de finalement bouger, il alla dans son réfrigérateur et sortît de la confiture aux framboises et du pain blanc. Il se prépare une tartine, s'assoit à sa table, ouvre la télévision et écoute les nouvelles comme si rien n'était. Peut-être si le jeune étranger voit qu'il n'est pas agressif peut-être qu'il se sentira en sécurité. Après tout, une bonne ambiance est nécessaire pour une bonne conversation et il laissera un moment au jeune inconnu de se remettre de ses émotions soudaines.

Toujours adossé à la porte, Benjamin attendit que son rythme cardiaque reprenne une allure normale avant de tendre l'oreille. Quelques bruits non identifiables à son ouïe humaine l'informa que l'inconnu s'affairait de l'autre côté, puis une voix faiblarde s'éleva de nulle part : le téléviseur.

Après s'être soulagé, le jeune homme s'installa au milieu de la petite pièce pour faire le point. Le colocataire semblait d'un naturel patient, vu qu'il n'avait pas encore défoncé le battant pour le sortir de force et de la salle de bain et de l'appart. C'était déjà ça de gagné. Restait maintenant à établir le contact, si possible avec un minimum de doigté. Le lycan leva un sourcil en s'examinant dans le miroir : il avait l'air d'avoir dormi dehors. Lissant sommairement sa tignasse avec ses doigts, il se passa ensuite de l'eau sur le visage pour finalement retirer son épais chandail gris, ne gardant que son t-shirt de la veille. Ce serait mieux que de macérer sous la laine et son odorat lui en serait gré, le temps qu'il prenne une vraie douche.

La tête du loup-garou apparut lentement dans l'encadrement, cherchant l'autre des yeux. Il le trouva assit à la table, en train de mâchonner une tranche de pain à la confiture et ne lui prêtant aucune attention. Loin, loin dans le subconscient de Benjamin, le loup interpréta cette attitude comme une invitation à avoir confiance. L'adolescent se détendit sensiblement mais, de manière un peu contradictoire, manifesta son retour en raclant ses ongles sur son jeans. Au même moment, une question d'une certaine importance traversa son esprit :

«Merde, est-ce que c'est un lycanthrope lui aussi?»

Rectification : la question était d'une importance certaine.

Les mots faillirent lui manquer, mais il tint bon, son orgueil de garou le clouant sur place.

«Salut... je ne vous ai pas vraiment laissé le temps de me répondre alors... vous êtes?»

«Salut... je ne vous ai pas vraiment laissé le temps de me répondre alors... vous êtes?»

La question ramena le docteur dans le monde réel. Il avait un petit morceau de sa toast dans la bouche et la mangea en une seule bouchée pour avoir l'air moins ridicule. C'était le jeune garçon qui s'était introduit dans la salle de bain après le salut rapide. Il semblait plus calme, ce qui rassurait le docteur, mais il pouvait encore sentir une certaine hostilitée chez le jeune homme. Il n'avait pas beaucoup bougé et gardait une bonne distance entre lui et le docteur. Enffet, il était très près de la salle de bain. Il pouvait y retourné aussi vite que la dernière fois.

Plusieurs options se montraient aux docteurs; il pouvait lui répondre, l'ignorer, le gronder, mettre la faute sur Abigaheyl pour avoir laisser un intrus entré chez lui et encore plusieurs autres, mais moins amicaux. Il allait pour celle qui irait à son avantage et celle du jeune garçon.

-On m'appelle Leminer Christ-Lloyd, heureux de faire tes connaissances Benjamin.

Le docteur avait dit tout ça d'une voix amicale, sans pour être douce ou brusque. Il examinait la réaction du jeune homme devant lui. Il semblait un peu surpris. Probablement par son nom ''Leminer", ce n'est pas un nom qu'on entend tout les jours comme Benjamin, c'était probablement français ou quelque chose du genre. Il voyait que le jeune homme ne bougeait pas, il fallait peut-être le brusquer un peu pour qu'il puisse être un humain et non une statue.

-Tu sais que tu as le droit de manger, non? il dit avec un sourire moqueur.

Abigaheyl pourchassait un lapin en forêt qui ne cessait de la narguer au moment où elle pouvait enfin le croquer, car il trouvait immanquablement une échappatoire qui la laissait pataude avec un bout d'herbe dans la gueule. Après cinq essais, elle le coinça enfin devant une porte, mais il réussit contre toute attente à se faufiler sous la porte. Elle se retransforma en humaine et l’ouvrit. Sans réfléchir, elle entra précipitamment et tomba dans un puit à sec. Après un atterrissage en catastrophe, elle se réveilla dans sa chambre, en sous-vêtements, sur le plancher frisquet en bois flottant.

Le choc du réveil lui causa une petite perte de mémoire jusqu’à ce qu’elle entende des voix de l’autre côté de sa porte. Elle se rappela immédiatement de Benjamin et de leur situation. Mais l’autre voix lui sonna une alerte dans sa tête et elle se dépêcha de vêtir une robe verte semi-longue, faite en velours. Une fois habillée, elle secoua sa tignasse pour faire disparaître les derniers vestiges de sommeil qu’elle montrait et sortit de sa chambre à la rencontre des hommes dans le salon.

Un coup d’œil lui donna l’impression que la situation n’était pas si alarmante. La tension était présente, mais ce n’était rien de grave. Ce fut avec un grand sourire plein d’entrain qu’elle arriva près d’eux. Sans attendre une réaction de leur part, elle prit la parole pour dissiper quelques malentendus probables.

- Ah! Bon matin, Leminer. Je vois que tu fais connaissances avec mon neveu qui vient du Québec. Je l’ai rencontré hier, tout à fait par hasard en faisant du shopping. Il était en voyage scolaire, mais ses parents, en m’appelant, m’ont suppliée de le garder un peu plus longtemps pour lui montrer Londres et peut-être même l’Irlande si j’ai le temps. Veux-tu bien le laisser dormir ici pendant que je reste ici? Si cela te dérange, je tenterai de trouver un logement ailleurs. Ce n’est pas grave…

Elle se plaça au côté de Benjamin pour lui indiquer qu’elle prenait la parole jusqu’à nouvelle ordre. Abigaheyl souhaitait intimement que sa présence était suffisante pour faire comprendre ce simple message au jeune homme. Toujours aussi calme et souriante, elle attendit la réponse de Leminer.

Un grand soulagement se manifestait chez le docteur. Son cousin,
d'accord, pas son amoureux, ouf... Le docteur était bien heureux. D'un
autre côté, Leminer avait un peu de mal à croire au récit d'Abigaheyl.
"Par un pure hasard, elle rencontre son cousin Québecois qui est en
voyage scolaire à Londres?" Il ne savait pas trop quoi en penser. C'était
louche. Les deux ne portaient aucun trait physique semblable à part
cette aura particulière qui dégageait d'eux. C'était étrange, mais le
docteur poussait cette idée dans son conscient

-Vraiment? Je suis heureux pour toi Abigaheyl, disait sans trace de mensonge dans sa voix ou par ses gestes corporels. Je vois pas d’inconvénient qu'il reste, mais je dois demander juste une chose à Benjamin.

Il faisait une pause pour croquer dans sa pomme et regarda Benjamin directement dans les yeux.

-Je voudrais que Benjamin ne transforme pas mon appartement en club ou en
jungle, il disait ça avec un sourire un peu sarcastique. C'est tout ce que je demande.

Le docteur voyait ce seul point et le trouvait acceptable à ces yeux. Il espérait que le jeune homme n'allait se révolter contre la demande du docteur.

-Le problème seulement, c'est qu'il n'y a que deux lits dans l'appartement. J'espère que le canapé ne sera pas un problème pour toi, Benjamin.

Ainsi que ce point, là.

Neveu? Les yeux de Benjamin s'écarquillèrent face à l'énormité du mensonge et il retint un sourire : peut-être Abigaheyl aurait-elle dû ajouter «au troisième degré du côté de la belle-soeur de mon frère». Mais c'était dit et voilà que la grande rousse reprenait le rôle de tante que le jeune lycan lui avait improvisé la veille. Quelle ironie!

Le véritable propriétaire des lieux se trouvait donc être ce Leminer. D'emblée, l'adolescent apprécia l'expression posée, le look sobre et le calme apparent de l'individu, qui semblait traiter d'égal à égal avec l'Alpha debout à ses côtés. Curieusement, l'improbable explication de la louve n'éveilla aucun soupçon dans son regard. Était-il plus naïf qu'il n'en avait l'air?

- Vraiment? Je suis heureux pour toi Abigaheyl. Je vois pas d’inconvénient à ce qu'il reste, mais je dois demander juste une chose à Benjamin.

Peut-être pas.

Poli, le lycanthrope dévisagea son vis-à-vis d'un regard droit, de manière à lui faire comprendre qu'il l'écoutait attentivement.

- Je voudrais que tu ne transforme pas mon appartement en club ou en
jungle. C'est tout ce que je demande. Le problème, seulement, c'est qu'il n'y a que deux lits dans l'appartement. J'espère que le canapé ne sera pas un problème pour toi.

Là, l'intéressé ne put retenir un ricanement. Lui, organiser une fête en appartement? Il en avait de bonnes, le proprio! Se rappelant tout à coup que Leminer ne connaissait rien de lui, il tenta de se rattraper. L'homme venait quand même d'accepter de l'héberger, mieux valait ne pas lui donner une raison de changer d'avis.

«Désolé, c'est sorti tout seul. Disons que je suis loin d'être le gars qu'on appelle pour un party, vous n'avez donc rien à craindre à ce niveau. Je suis un lonesom wolf et je ne connais personne à Londres, en dehors des élèves de mon groupe, alors je ne pense pas être en mesure de vous créer des problèmes. Et le sofa m'ira très bien, merci.»

Le regard d'Abigaheyl pesait sur lui et il regretta l'expression stupide qui lui était montée aux lèvres. Si son colocataire avait été «des leurs» (voilà qui était une pensée étrange) l'Irlandaise n'aurait jamais fait tant de cachotteries! Tandis que le loup-garou se mordait discrètement la langue, un grattement léger comme un pas de souris bruit au fond de ses poches.

Abigaheyl sentait un mélange de culpabilité et d'amusement en elle, dû à l'acception presque aveugle de Leminer. Ses questions au jeune loup étaient plus qu'évidentes. Mais avec Abigaheyl, le petit serait bien contrôlé. Elle en ferait de même quand Leminer pète les pédales, si il n'était pas un frêle humain.

*Voir que je laisserais une telle chose arriver. En fait, c'est plutôt l'ouragan Leminer qui est en mesure de rendre l'appartement sans dessus-dessous.*

Ce fut alors qu'elle entendit le ricanement de Benjamin, une réaction si humaine et si jeune. Elle surveilla la suite d'un oeil vigilant. Et voilà qu'il sortit un terme qui se trahissait lui-même.

*Lonesome wolf? Mais pouvait-il ne pas utiliser cette expression, surtout à Londres, en ce temps perturbé?*

Évidemment, Leminer n'était peut-être pas aussi vif sur ce détail qu'elle-même. Mais pour ne pas laisser trop de temps à Leminer pour analyser tout ce que le petit venait de dire, elle enchaîna.

- Et bien, s'il agit mal, je m'occuperai de lui, Leminer. À vrai dire, même s'il est un parent très éloigné d'une belle-soeur, je tiens à bien m'occuper de lui. Si le sofa lui plaît et que tu es d'accord avec sa présence, je partirais à l'instant faire du shopping avec lui. Aurais-tu besoin que je te ramène quelque chose?

Pour répondre aussi frivolement, Abigaheyl démontrait définitivement de la désinvolture. Parler aussi librement et surtout d'égal à égal quand elle était nettement plus noble que lui. Mais elle savait que dans une telle situation, la hiérarchie lycanthrope importait peu chez les humains, à moins qu'ils soient pris dans une meute et non dans la jungle citadine. À Rome, faisons comme les Romains. C'était un concept qu'Abigaheyl assimilait tranquillement. Mais après toute cette errance, la rencontre du petit Benjamin lui rappelait agréablement ses semblables et sa famille.

Avant d'aller prendre son sac dans sa chambre et partir avec Benjamin, elle attendit une réponse, au moins rhétorique de la part de Leminer. Il acceptait tout si facilement en surface, mais acceptait-il réellement? De plus, un emploi de psychiatre, la nuit? Avec le peu de connaissances de la société humaine, Abigaheyl se posait tout de même quelques questions sur ses activités. Et quel était cette puanteur suffocante? Il faudrait qu'elle lui demande éventuellement...

- Et bien, s'il agit mal, je m'occuperai de lui, Leminer. À vrai dire, même s'il est un parent très éloigné d'une belle-soeur, je tiens à bien m'occuper de lui. Si le sofa lui plaît et que tu es d'accord avec sa présence, je partirais à l'instant faire du shopping avec lui. Aurais-tu besoin que je te ramène quelque chose?

Le docteur resentait une étrange sensation dans sa tête quand Abigaheyl lui demandait s'il avait pas besoin de quoi que se soit. Peut-être qu'il s'accrochait trop au moment où elle et lui se sont rencontrer dans le plus étrange des hasards, mais il semblait que la demande lui était devenu une sorte de question piège. Mais bon, il faisait l'ignorant et le simpliste, même s'il l'était plus ou moins.

- Non merci, j'ai besoin de rien.

Il détourna les yeux vers le plus jeune des trois. Il n'avait rien de particulièrement hors caractère chez lui, mais l'adolescent se décrivait comme un ``lonesome wolf´´, une des multiples phases de l'adolescence. Il était devenu très docile quand Abigaheyl était rentré et ne parlait que seulement quand le docteur lui parlé. En plus, s'il faisait une chose qui semblait déranger la rousse, il se taisait immédiatement et semblait le regretter. Le docteur ne pouvait pas lire dans les pensées des personnes qui l'entoure, mais il pouvait remarquer les petits mouvements subtilles d'un individu.

Quand Benjamin remarqua qu'il le regardait, le docteur souriait gènement et son regard se tournait vers Abigaheyl qui revenait de sa chambre.

- Non merci, j'ai besoin de rien.

Le regard inquisiteur du propriétaire se fondit dans un sourire timide lorsque Benjamin releva les yeux vers lui. L'individu était vraiment un homme de peu de mots, mais l'adolescent y attachait peu d'importance : pour le moment, ce qui retenait le plus son attention étaient les mots d'Abigaheyl.

Elle comptait partir tout de suite? Là, maintenant? Sans déjeuner, se décrasser, rien? Pas que le lycan fut un maniaque, mais tant qu'à passer la journée avec quelqu'un à l'odorat fin comme le sien, il aurait préféré ne pas avoir à se soucier de cela. Enfin...

Chassant ces pensées de son esprit, le jeune homme emboîta le pas de l'Irlandaise avec un dernier «au revoir» à l'intention de Christ-Lloyd et passa la porte. «On n'aura pas vraiment eu le temps de jaser», pensa-t-il en entrant dans l'ascenseur. Néanmoins, tandis qu'il jetait nonchalamment son chandail en travers de ses épaules, la perspective de sa première journée en tant que loup-garou «avoué», sans secret ni demi-vérité étouffa ses rares remords sous une bouffée d'enthousiasme. Tournant son visage vers la louve, il lança gaiement:

«Alors, quelle direction, Alpha?»

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